L'alpaga, quelles différences avec le cachemire?

Le cachemire et l'alpaga sont deux des matières naturelles les plus luxueuses du marché de la mode et du textile. Pourtant leurs trajectoires ces dernières années sont totalement différentes. Récit et comparaison. 

Ce sont deux matières textiles d'origine animale, l'alpaga (camélidé cousin du lama) et la chèvre cachemire. Ces animaux sont habitués à vivre en haute montagne et sont capables de résister des différences de température extrêmes (chaudes ou froides). Ils sont élevés à l'air libre et sont tondus (ou peignés) une fois par an pour obtenir leurs fibres, qui une fois filées, sont tricotées ou tissées pour réaliser des vêtements ou autres textiles. Ces deux animaux ont la particularité de fournir des fibres très fines, qui sont très appréciées pour leur douceur et leurs nombreuses propriétés naturelles (chaleur, isolation, légèreté...) . Au fil des siècles, et encore plus ces dernières décennies avec le développement de la mondialisation, l'alpaga et le cachemire se sont construit une belle réputation en se classant parmi les matières les plus désirées du marché.

Au-delà de ces nombreux points en communs, l'alpaga et le cachemire ont des origines et une trajectoire très différentes. L'alpaga est originaire d'Amérique du Sud et sa population y est toujours présente en grande majorité (plus de 80% au Pérou, 11% en Bolivie et 1% au Chili d 'une population mondiale de 4 millions d'alpagas). Certains pays anglo-saxons (Etats-Unis, Australie, Nouvelle-Zélande...) développent des élevages mais ils restent encore très minoritaires. La chèvre cachemire est quant à elle originaire des hauts plateaux tibétains et du sous-continent indien. Le pays qui a le plus développé l'élevage ces dernières décennies est la Mongolie (plus de 65% d 'une population mondiale de 40 millions de chèvres cachemire). La Chine est un 2ème acteur important dont la part augmente de plus en plus ces dernières années (25% de la population des chèvres cachemire).

L'évolution récente de l'élevage est un point de différence important entre l'alpaga et le cachemire. Depuis les années 90, celui des chèvres cachemire s'est développé de manière exponentielle, notamment en Mongolie. En effet, le nombre de chèvres y est passé de 5 à 27 millions en moins de 30 ans. Alors qu'il était réservé à des petits éleveurs nomades dans les hauteurs des steppes mongoles, l'activité s'est grandement étendue et intensifiée vers les terres basses, avec une plus forte concentration du pâturage. Pour se nourrir, les chèvres ont la particularité d'arracher le moindre brin d'herbe jusqu'à la racine, dégradant les terres et la végétation. Le résultat écologique est alors catastrophique, entrainant l'appauvrissement des sols, la désertification des steppes et la rupture de leur écosystème. Le cachemire est produit en plus grande quantité certes, mais cette situation et le changement climatique entraînent aussi une diminution de la qualité. Heureusement, depuis quelques années, différentes initiatives existent pour faire face à ces lourdes conséquences. Des éleveurs sont accompagnés vers une gestion durable de leurs élevages en optimisant leurs pâturages, en y préservant la biodiversité et en prenant soin de la qualité des fibres.  

Au Pérou, la population des alpagas est restée plutôt stable ces dernières années. Si le filage de la laine s'est industrialisé au cours du 20ème siècle, les élevages sont encore aujourd'hui en très grande majorité de taille familiale. L'alpaga fait en effet vivre des milliers de familles dans les Andes et l'animal a très peu d'impact sur l'environnement. Il n'occupe pas de terres cultivables et il ne détruit pas la végétation existante, que ce soit en marchant ou en se nourrissant. Le Pérou n'a pas favorisé une industrialisation exponentielle de ses élevages, préférant conserver une ligne directrice traditionnelle, éco-responsable et authentique. Mais attention, l'élevage au Pérou est fragile, le changement climatique provoque de grandes difficultés pour les éleveurs et les animaux à cause des gelées, sécheresses et disparitions progressives des pâturages disponibles. De plus, les éleveurs n'obtiennent souvent pas assez de revenus de leurs fibres récoltées. Le signal d'alarme est déclenché et des programmes de soutien (privés et publics) se mettent en place pour les aider dans leur travail: du matériel pour mieux protéger les animaux et des techniques pour obtenir une meilleure qualité de fibre (reproduction sélective, tonte...), garante de revenus plus justes et équitables. 

De l'alpaga et du cachemire, quelle est la laine la plus qualitative? La plus résistante? La plus douce? La plus chaude? En réalité, il est difficile de répondre de manière générique car on retrouve des qualités diverses chez le cachemire et l'alpaga. Les problématiques des élevages cités plus haut complexifient la récolte des fibres les plus qualitatives. C'est la finesse de la fibre (et sa longueur) qui fait principalement référence en terme de qualité. Que ce soit pour le cachemire ou l'alpaga, on retrouve des finesses diverses, et des classifications existent. Le Baby alpaga et le Royal alpaga sont les catégories les plus fines de l'alpaga, garantissant une finesse inférieure à 22 microns. Ce sont d'ailleurs les catégories les plus largement commercialisées, le fait qu'elles soient clairement mentionnées sur l'étiquette garantissent au consommateur la bonne qualité de produit. Le cachemire de qualité est lui considéré à moins de 19 microns. Cependant, cette qualité n'est pas toujours au rendez-vous. La démocratisation d'un cachemire à petit prix est aussi souvent celle d'un cachemire moins qualitatif, avec une apparence trompeuse de douceur grâce aux adoucissants et surtout beaucoup moins résistant dans le temps. L'alpaga conserve au contraire un positionnement de matière qualitative, rare et authentique, très appréciée par les amateurs de laine.