Le textile au Pérou, un savoir-faire historique

La confection textile dans les Andes, c'est une histoire très ancienne... Bien avant la découverte de l'Amérique, les populations locales avaient en effet développé une grande tradition dans ce domaine. 

Né avant la céramique et la métallurgie, le tissage est l'art le plus ancien du Pérou. Les premiers textiles sur métier ont environ 2000 ans mais le nouage, les bouclettes, le nattage et le tressage étaient déjà connus dès 3000 avant Jésus-Christ. Au fil des siècles, les péruviens produisent vêtements (tuniques, jupons, capes..), filets de pêches, sacs, lance-pierres, tapis... En plus d'être utile, le tissu a une grande valeur rituelle et définit le rang, le rôle et la provenance de chacun.

Après le coton, les artisans introduisirent la laine de lama et d'alpaga. A l'époque des Incas (du XIIIème au XVème siècle), le tissu a toujours une grande valeur, égale à celle des métaux ou pierres précieuses. Les matières les plus raffinées et les motifs les plus élaborés sont réservés à la classe royale. L'alpaga est particulièrement appréciée par la hiérarchie Inca, ce n'est pas pour rien qu'on la surnomme "la laine des dieux". Les motifs de l'époque sont quant à eux si particuliers, à la fois géométriques, symétriques et complexes. Les étoiles, les losanges et les croix sont notamment des formes omniprésentes. L'iconographie Inca est encore aujourd'hui un élément représentatif de la culture péruvienne.

Afin de produire des textiles en alpaga, les péruviens développèrent le rouet et le fuseau pour réaliser le filage. La teinture est réalisée à partir de pigments naturels. Le rouge et le violet sont par exemple obtenus à partir de la cochenille, le bleu de l'indigo et le vert des graines de caroubier.

Les péruviens développent l'art du tissage avec différents types de métiers à tisser (de ceinture, horizontal, vertical) et différentes techniques artisanales. Suite à la conquête espagnole au XVIème siècle, la mode européenne et de nouvelles techniques de confection sont introduites au Pérou. L'ensemble de ce savoir-faire traditionnel est alors progressivement abandonné mais il est conservé dans les Andes. Aujourd'hui encore, des femmes péruviennes savent tisser selon les techniques ancestrales.

Les transformations à partir du XVIème siècle sont multiples. Le tissu plat est progressivement abandonné au profit du tricot et de la maille. Les vêtements et le style précolombiens sont remplacés par la mode européenne qui est alors d'inspiration française.  Cependant, la croisée des 2 mondes distincts verra l'apparition d'un vêtement féminin iconique au Pérou pendant plus de 300 ans. Il s'agit de "la tapada limeña", réalisé avec plus de 11 mètres de tissus. Ce vêtement féminin, couvrant plus de la moitié du visage, était alors considéré comme un symbole de coquetterie, de séduction et de liberté. 

Même si le Pérou obtient son indépendance en 1821, il reste fortement connecté à l'Europe. Il y exporte notamment le guano et le salpêtre, utilisés comme fertilisants. Le Pérou n'a pas encore de capacité industrielle pour produire le textile, le pays importe donc des grandes quantités de tissus européens. En ces temps de révolution industrielle, le pays accueille de nombreux immigrants européens (notamment italiens) qui apportent avec eux les dernières nouveautés d'Europe et installent leur propre ateliers de confection.

Au 19ème siècle, en Europe, on voit apparaître les premiers grands magasins offrant à la population un nouvel accès à la mode avec une grande diversité d'offre... Au Pérou, à l'époque, on conserve encore beaucoup la tradition de faire faire ses vêtements auprès d'un tailleur ou d'une couturière.

Au cours de ce siècle, la mode change, l'Angleterre est alors son nouveau centre. La laine d'alpaga, alors boudée pendant plusieurs siècles depuis la conquête espagnole et abandonnée aux seules populations andines, est alors reconsidérée par un nouvel intérêt provenant de ce pays.

Il s'agit de Titus Salt, entrepreneur anglais, la personne qui réussit à la confectionner et à la rendre attractive commercialement. Au milieu du siècle, la laine d'alpaga était uniquement utilisée pour réaliser des couvertures, des sous-couches de vêtements mais aussi des doublures de manteaux. On la mélangeait aussi avec d'autres laines pour réaliser tout type d'applications, comme par exemple le tweed (tissu en laine flexible).

A l'époque, l'alpaga était considérée plus ou moins comme "une laine comme les autres". Ce n'est que plusieurs décennies plus tard que la laine d'alpaga fut reconsidérée comme une matière raffinée et distinguée, pouvant être portée de multiples façons.